Une de nos membres écrit …
A l’occasion des « Journées du patrimoine », certains locaux maçonniques sont accessibles au public, et comme souvent j’y suis de permanence durant quelques heures, partageant avec les visiteuses et visiteurs quelques clés de compréhension et répondant à leurs questions du mieux que je peux.
Ce dimanche, une expérience particulière m’attendait.
J’assurais la permanence dans un des temples entièrement décoré de fresques sur le thème égyptien.
Cette « bande dessinée » intrigue souvent les enfants, qui ont parfois déjà rencontré l’Egypte ancienne lors d’un voyage ou au cours d’histoire – et ce fut le cas aussi ce dimanche.
Un papa et ses deux enfants, seuls visiteurs à ce moment, écoutaient et semblaient très intéressés, surtout la petite fille qui devait avoir dans les 7 ans.
Après avoir écouté l’histoire racontée par la fresque, son regard se porte sur le damier de carrés blancs et noirs qui couvre le sol du temple. Intriguée, elle me demande : “Ils jouaient aux échecs, les égyptiens?”
Alors je lui explique que ce n’est pas vraiment un jeu d’échecs, mais que cela sert à autre chose – et devant sa curiosité, je me mets à lui expliquer le blanc et le noir, les différents aspects d’une situation, d’une personne, l’alternance de moments sombres et de moments de joie, de lumière et d’ombre … version “enfant”. Elle écoute et se tait, je ne sais pas vraiment si j’ai été claire pour elle.
Et alors qu’ils étaient déjà sortis du temple, elle revient vers moi en courant, et me dit :
“Tu sais, parfois, moi, je ne vois que les carrés noirs …”.
Moi : “Ah bon – et quand est-ce que cela t’arrive?”
Elle : “Le soir, dans mon lit … et alors je ne peux pas dormir”.
Moi : “ Et qu’est-ce qui se passe dans ta tête, à ces moments-là ?”
Elle, tristement : “Je pense aux filles de ma classe qui sont méchantes avec moi …”
Son papa, revenu la chercher me regarde, médusé : “Je voyais bien que ces derniers temps ça n’allait pas, mais je n’avais aucune idée de ce qui la tracassait à ce point …”
J’ai pris la main de Pauline pour faire une petite balade sur le damier (que nous appelons « pavé mosaïque »), un carré blanc, puis un noir, puis un blanc à nouveau, en pensant à des choses “blanches” ou “noires” , et puis aux mêmes choses en noir puis en blanc…
En sortant, elle m’a dit :”Ce soir, je vais penser aux carrés blancs avant de m’endormir!”
Cette petite fille a fait ma journée… et au-delà de la joie de ce moment, c’est la puissance de la pensée symbolique qui m’a une fois de plus émerveillée.
Car les symboles ont cette qualité rare, de nous emmener à l’essentiel – qu’il s’agisse de nous-même ou de notre relation à l’autre.
Le symbole n’impose rien, il est une fenêtre ouverte sur l’univers. Il est langage universel révélant celui qui en parle, mais échappant résolument à toute définition – car le définir, serait le cristalliser et le réduire donc à sa matérialité. Tel un joyau aux multiples facettes, il reste donc indéfiniment subjectif et pluriel, fuit le « ou » pour accueillir le « et ».
Le symbole nous relie en fraternité, comme il relie chacun d’entre nous à sa part divine et à l’univers entier. Pauline, ce dimanche, m’a permis de le vivre à nouveau.